Comment l’opérateur historique suisse exploite la confiance de ses clients pour leur vendre des contrats majorés de près de 100%
Le piège
En mai 2025, je reçois un appel téléphonique. L’identifiant affiche le numéro du service clientèle Swisscom — rien qui puisse éveiller la méfiance d’un client de longue date. Mon interlocuteur, volubile et pressant, me propose de transférer mes abonnements de téléphonie mobile vers Swisscom. Il m’assure que les tarifs seront équivalents à ceux de mon fournisseur précédent : CHF 48.00 par mois.
Je donne mon accord verbal — ce qui, en droit suisse, suffit à former un contrat.
Le représentant promet d’envoyer les confirmations écrites. Elles n’arrivent jamais. Le 31 juillet, les lignes sont activées sans que j’aie reçu le moindre document contractuel.
Trois jours plus tard, la première facture tombe : CHF 89.90.
Soit une majoration de 87 %.
L’aveu par omission
Je contacte immédiatement Swisscom pour exiger les enregistrements de la conversation téléphonique — seule preuve objective de ce qui fut convenu. La réponse de M. Yari Bianchi, « Customer Consultant Complaint », mérite d’être citée dans son intégralité cynique :
« Au sujet des appels téléphoniques, il n’est plus possible de récupérer les enregistrements après 40 jours et ceux-ci sont effectués uniquement à des fins de formations. »
Qu’il me soit permis de m’émerveiller devant cette politique d’une élégance remarquable : les enregistrements existent suffisamment longtemps pour « former » les employés, mais sont détruits avant que le client ne puisse s’en prévaloir pour contester une facturation abusive. Quelle heureuse coïncidence que les délais d’activation et de facturation dépassent précisément cette fenêtre de quarante jours.
Swisscom prétend ensuite m’avoir envoyé des confirmations de commande le 16 mai. Je ne les ai jamais reçues. Face à cette affirmation, je demande la preuve de réception effective. Silence.
L’arrogance institutionnelle
Ma contestation juridique se heurte à un mur. J’invoque le dol (art. 28 CO), le vice du consentement (art. 23 ss CO), la charge de la preuve (art. 8 CC). La réponse de Swisscom, datée du 7 octobre, tient en une phrase d’une morgue sidérante :
« Nous ne répondrons plus à vos demandes concernant cette affaire. »
Voilà donc comment l’opérateur historique suisse traite ses clients : par le mépris. On m’informe que la « procédure d’encaissement suivra son cours » si je ne m’acquitte pas des CHF 3’506.10 réclamés. Pour mémoire, cela représente davantage que la valeur résiduelle des contrats eux-mêmes sur leur durée minimale de 24 mois.
Le dénouement
Ne pouvant obtenir satisfaction par les voies normales, je saisis l’Organe de conciliation des télécommunications (Ombudscom).
Le résultat est instructif. Dans sa prise de position, Swisscom admet soudainement être « dans l’incapacité de retrouver l’enregistrement de la conversation » et « ne pas être en mesure de corroborer l’offre qui aurait été formulée oralement ».
Curieux retournement. Pendant des semaines, l’entreprise a maintenu ses frais avec une assurance absolue, refusant tout dialogue. Il aura fallu l’intervention d’un médiateur pour qu’elle reconnaisse enfin qu’elle ne disposait d’aucune preuve à l’appui de ses prétentions.
Swisscom accepte finalement de supprimer intégralement les frais de résiliation anticipée — CHF 3’398.21.
Le système
Mon cas n’est pas isolé. Parmi mes connaissances, plusieurs personnes âgées ont subi des mésaventures similaires : démarchage téléphonique agressif, promesses verbales non tenues, absence de documentation contractuelle, puis facturation de services à des tarifs sans rapport avec l’offre initiale.
Le schéma est toujours le même. Un appel provenant d’un numéro Swisscom officiel. Un représentant insistant qui promet des conditions avantageuses. Des confirmations écrites qui n’arrivent jamais — ou arrivent si tard que le client ne peut plus exercer son droit de rétractation en connaissance de cause. Puis l’activation, la facture majorée, et l’impossibilité de prouver quoi que ce soit puisque les enregistrements ont été détruits.
Il faudrait que Swisscom m’explique en vertu de quelle logique commerciale un client accepterait sciemment de payer CHF 89.90 pour un service qu’il obtenait à CHF 48.00. À moins, bien sûr, qu’on ne lui eût dissimulé ce détail.
Une entreprise à la dérive
Cette expérience s’inscrit dans un contexte plus large. Swisscom, dont l’État suisse détient 51 %, accumule depuis trois décennies les débâcles financières, les violations du droit de la concurrence et les scandales de gouvernance. J’ai documenté cette chronique accablante dans un article séparé : 3,3 milliards de francs perdus avec Debitel, implication dans le blanchiment d’argent de la ‘Ndrangheta via Fastweb, amendes de 186 millions pour abus de position dominante, fuite de données de 800’000 clients via un sous-traitant tunisien, pannes répétées des numéros d’urgence.
Les études du WIK démontrent que les consommateurs suisses paient leurs télécommunications plus cher que partout ailleurs en Europe. Swisscom maintient une part de marché de 60 % là où les anciens monopoles européens sont tombés à 40 %. La publication K-Tipp l’a résumé sans détour : « les clients financent les pertes étrangères de Swisscom ».
Ainsi donc, l’entreprise engrange des bénéfices excessifs sur le marché domestique, dilapide des milliards à l’étranger, et complète le tableau en extorquant quelques milliers de francs supplémentaires aux personnes âgées par le biais de pratiques commerciales douteuses.
Conclusion et mise en garde
Il m’aura fallu des semaines de correspondance, la rédaction de multiples courriers juridiques, et finalement l’intervention de l’ombudsman pour obtenir l’annulation de frais que Swisscom savait parfaitement injustifiés — puisqu’elle était incapable d’en administrer la preuve.
Combien de clients, moins au fait du droit des obligations ou simplement découragés par l’arrogance de l’entreprise, paient sans broncher ?
Mon conseil est simple : si vous recevez un appel de démarchage de Swisscom vous proposant des offres « avantageuses », raccrochez immédiatement. N’acceptez jamais d’engagement verbal. Exigez toute proposition par écrit, avec un délai de réflexion. Vérifiez scrupuleusement les conditions avant toute activation.
Et si vous êtes déjà pris au piège, ne cédez pas aux menaces de recouvrement. Contestez par écrit. Invoquez le dol et le vice du consentement. Exigez les enregistrements téléphoniques — vous constaterez qu’ils ont été opportunément détruits. Saisissez l’ombudsman https://fr.ombudscom.ch/procedure-de-conciliation.
Il est inadmissible qu’une entreprise détenue majoritairement par la Confédération se livre à de telles pratiques. Les citoyens suisses méritent mieux que cette exploitation systématique de leur confiance.